Rencontre avec Édouard Meier
Nous avions rendez-vous avec le fondateur de Creatis Belgique, autour d’un verre, dans ses bureaux bruxellois. Mais c’est dorénavant à Charleroi que l’on risque de croiser ce mordu d’entrepreneuriat et de culture. En bonne partie dans les locaux du Hub-C. On vous explique pourquoi…
Enchanté Édouard ! Peux-tu nous parler de toi ? Quel est ton parcours ? En vrac…
Édouard Meier :« Enchanté également ! Français, je suis arrivé à Bruxelles il y a 15 ans pour travailler au Parlement Européen. J’y étais un assistant d’un vice-président, qui était notamment en charge des Affaires culturelles. Ensemble, nous avons contribué à plusieurs projets emblématiques, dont la création du prix cinématographique Lux, qui récompense une œuvre illustrant l'universalité des valeurs européennes et la diversité culturelle. Après 5 ans, une véritable envie d’entreprendre m’a poussé à passer de la théorie au terrain. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré un entrepreneur français spécialisé dans l’entrepreneuriat culturel. Il avait déjà développé toute une série de projets dans le milieu culturel en France dont Creatis. Nous avons décidé de créer ce même type de projet à Bruxelles. »
Vous étiez animés par une même envie ?
E. M. : « Exactement ! L’envie d’aider les entrepreneurs culturels qui sont souvent peu intéressés par les questions financières ou administratives et qui nécessitent un encadrement approprié. Les entrepreneurs culturels ont des métiers particuliers, ils sont dans le prototype, dans l’exploration, ils ont besoin de financements spécifiques. Désireux de capitaliser sur notre propre expérience, nous avons créé Creatis en Belgique. »
Êtes-vous liés avec le bureau de Paris ?
E. M. : « Notre bureau est totalement autonome. Il est chapeauté par une structure qui s’appelle « Pali Pali » (« Vite Vite » en coréen) : un accélérateur d’entrepreneuriat culturel et solidaire qui gère aussi des lieux. Le plus connu est le See U établi dans les casernes d’Ixelles. La plus grande occupation temporaire de Belgique »
Te souviens-tu du premier projet sur lequel vous avez planché avec Creatis Belgique ?
E. M. : « Oui, c’était le Cinéma Galeries, le cinéma d’art et d’essai situé dans le centre de Bruxelles. Petit à petit, nous avons ajouté des briques à notre structure : le financement avec la plateforme de crowdfunding KissKissBankBank, la production de cinéma via une société bruxelloise dans laquelle nous avons une participation. Nous avons également noué un partenariat avec ING. Nous étions donc le premier incubateur destiné aux entreprises culturelles, en France comme en Belgique. À ce jour, nous avons déjà accompagné une soixantaine d’entrepreneurs. »
Sur Bruxelles uniquement ?
E. M. : « Nous avons accompagné des équipes en Corée du Sud, en Chine, nous participons actuellement à un projet européen avec le festival Pixii à La Rochelle avec des partenaires grecs. Notre aura rayonne au-delà des frontières belges. Les projets les plus connus qui sont passés par Creatis sont la société d’édition numérique Delitoon, l’agence de RP Five Oh qui s’occupe des relations publiques d’artistes comme Angèle, Clara Luciani, ou encore Magic Street qui réalise des scénographies et des installations interactives. Dans tous les domaines de la culture, nous essayons d’aider des jeunes entrepreneurs à concrétiser leurs ambitions. »
Pourquoi mettre maintenant le cap sur Charleroi ?
E. M. : « Charleroi, c’est une ville que nous suivons en Belgique francophone depuis très longtemps. Il y a quelques années, nous avions déjà identifié des entrepreneurs culturels carolos intéressants. Back in the dayz, par exemple, qui fait du management d’artistes ou Digizik, une agence marketing digital hyper brillante avec des clients comme Justice ou la STIB avec qui nous sommes partenaires pour l’incubateur. Nous avions donc déjà détecté une forte créativité. Par ailleurs, nous avons toujours trouvé la ville « marrante », punk, avec des espaces géniaux pour les artistes. Nous avons même songé à nous y installer. Quand nous avons appris que le Hub-C cherchait un partenaire pour lancer un incubateur créatif et culturel, nous n’avons plus hésité. C’est le bon timing… Nous avons envie de participer à l’élan positif qui s’opère à Charleroi. »
Et en pratique, cette collaboration, elle va se traduire comment ?
E. M. : « Avec l’équipe du Hub-C, nous accueillerons les porteurs de projets et les entrepreneurs au deuxième étage du Quai 10. Notre programme d’incubation sera destiné d’une part aux profils très early stage – des personnes qui sont au tout début de leur aventure, qui n’ont pas encore de structure juridique, pas encore de client, pas encore de prototype, mais qui ont une idée et beaucoup d’envies — et d’autre part aux profils qui sont un petit peu plus loin dans le processus — qui ont déjà des clients, par exemple — et qui recherchent une accélération. Notre méthodologie est très individualisée. Avant toute chose, nous réalisons un diagnostic des besoins réels du projet ou de l’entreprise et à partir de là, nous montons un programme d’accompagnement sur mesure. C’est ainsi que nous nous différencions des autres incubateurs dont les programmes un peu trop figés s’adaptent peu à ceux qui se retrouvent en face d’eux. Nous aurons aussi la vocation d’emmener nos résidents une fois par an à Paris et à Bruxelles lors d’un creative tour, afin d’augmenter les contacts et découvrir les tendances. »
Privilégiez-vous un profil-type dans votre sélection ?
E. M. : « Non, car il n’y a pas de profil-type dans ce secteur : il y a des bricoleurs, des autodidactes, des passionnés, des personnes avec un bagage. Pour être sélectionné, il faut démontrer que l’on défend un projet sérieux, sur lequel on va passer du temps, accompagné d’une équipe qui a la capacité de délivrer. On incubera assez peu d’entreprises : une vingtaine par an. Ce qui est déjà pas mal vu la taille du territoire. Tous les secteurs des industries créatives sont concernés : on ne cherche pas des gens uniquement dans le cinéma ou la musique, il y a plein d’endroits où la créativité s’exerce, comme la gastronomie, le design… »
Où va-t-on te croiser à Charleroi ?
E. M. : « C’est trop tôt pour répondre, il va falloir me montrer quelques adresses (rires) ! Je pense qu’en journée, on risque de me croiser à la brasserie du Quai 10 et en soirée au Rockerill. Et aussi au Barabouf à Gosselies, près de l’aéropôle. Je compte sur vous pour découvrir les bars par contre ! »
Ok, on fera ça ! Merci Édouard.
En savoir plus: www.residencecreatis.com/bruxelles/
Texte : Marie Hocepied
Photo : Lydie Nesvadba
Cet article a été réalisé avec le soutien de En Mieux.